Fiscalité et inflation : quelle stratégies pour 2023 ?

Richard Chalier (directeur technique chez Harvest Fidroit Academy) est un visage connu dans monde de la gestion de patrimoine. Ses conférences sont très suivies par les professionnels en stratégies patrimoniales. Rencontre avec la rédaction pour aborder la loi de finances 2023 mise en regard de l'inflation.

Richard Chalier conférence "quelles stratégies pour 2023

Votre métier est de conseiller les conseillers patrimoniaux sur les évolutions fiscales et réglementaires en lien avec les placements financiers. Si vous deviez adresser un message directement aux épargnants, quel serait-il ?

Richard Chalier : Déjà, je leur dirais bonjour (rires). Et si je devais ne leur donner qu’un conseil, en tout cas pour ceux qui ont déjà une épargne constituée et souhaitent la transmettre, ce serait n’attendez pas : faites des dons ou des donations… et pourquoi pas investir ces sommes sur des contrats d’assurance-vie qui seront transmis aux bénéficiaires de votre choix ?

Faire des dons ou des donations en anticipation de la transmission, c’est assez radical…

 

RC : C’est vrai, mais penchons-nous sur le régime fiscal français.

Globalement, il n’est que très peu adapté à l’inflation. Prenons justement l’exemple des donations et de la succession.

Chaque parent peut transmettre 100 000 euros par enfant par période de 15 ans sans payer de droit à l’administration fiscale. Si on tient compte de l’inflation et qu'on prend cette dernière comme indicateur, cet abattement fixé depuis plus de 10 ans perd progressivement son efficacité ; nous pourrions dire que sa valeur relative baissera d’année en année.

De même, côté assurance vie, l’abattement de 152 500 euros a été établi en 1998. À cette époque, on parlait d’un million de francs ! Aujourd’hui, il reste évidemment intéressant, mais nécessiterait une réévaluation. Même chose pour l’abattement de 30 500 euros pour les fonds placés en assurance vie après 70 ans qui a été fixé dès 1991 !

"Le régime fiscal français n’est pas vraiment adapté à l’inflation."

Pourquoi l’État ne procède-t-il pas à des réévaluations des abattements?

RC : Pour comprendre, il suffit de savoir qu’entre 2011 et 2021, les recettes de l’État sur les droits de succession et de donation ont doublé : de 7 à 14,4 milliards d’euros pour les successions, et de 1,6 à 3 milliards pour les donations.

Et cela ne concerne pas que la transmission du patrimoine. Exemple dans un autre domaine : le plafond de revenus sur la location en meublé, pour ne pas être considéré comme professionnel, s’élève à 23 000 euros… Ce chiffre a été établi en 1982 et correspondait alors à 4 fois le SMIC, contre 1,16 fois aujourd’hui. L’esprit de la règle initiale n’est plus là.

Idem pour le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros (service à la personne, investissement Pinel…). Si l’inflation se maintenait à 6 ou 7 % par exemple, l’efficacité du dispositif serait divisée par deux en 10 ans.

"Entre 2011 et 2021, les recettes de l’État sur les droits de succession et de donation ont doublé."

Le tableau est bien sombre, mais que peut-on retenir de positif ?

RC : Bien sûr qu’il y a du positif ! Les tranches marginales d’imposition (TMI) ont été réévaluées pour 2023 de 5,4 %.

Donc, si vos revenus ont augmenté dans les mêmes proportions, votre pression fiscale ne changera pas. Si vos revenus ont plus fortement progressé, l’impact restera moindre que si les plafonds n’avaient pas été réévalués. C’est pour aider les contribuables à se représenter l’évolution réelle de leur contribution au regard de l’inflation que l’État précise désormais la tranche marginale et le taux moyen d’imposition sur les avis d’imposition.

Et dans ce contexte, comment choisir ses placements ?

RC : Le Plan d’Epargne Retraite Individuel (PERI) est pertinent, de même que le contrat Madelin pour les professionnels, car il permet de diminuer vos revenus imposables.

Ses plafonds de déduction évoluent dans le temps en fonction de la hausse du plafond de la sécurité sociale (PASS) sur lequel il sont indexés. Ce « PASS » est revalorisé de 6,94 % cette année.

À noter aussi qu’avec le temps, les fonds en euros vont bénéficier de la remontée des taux d’intérêt… tout comme des produits mis de côté pendant la période de taux bas comme les unités de compte obligataires qui pourraient prochainement afficher des rendements plus significatifs, sans oublier les produits structurés au capital protégé à leur échéance. Il reste aussi quelques opportunités à surveiller sur les marchés d’actions.

En résumé, dans ce nouvel environnement financier, mieux vaut jouer la carte de la diversification. Encore et toujours !

"Le Plan d’Epargne Retraite Individuel (PERI) est pertinent car il permet de diminuer vos revenus imposables."

 D’autant plus que l’immobilier est chahuté…

RC : Ça c’est un vrai problème. Déjà, depuis un an, obtenir un crédit pour un ménage est souvent devenu plus compliqué. Pour construire ou rénover dans le respect des normes environnementales, les matériaux coûtent de plus en plus cher et les réglementations se complexifient.

Les temps changent. Même du côté plan d’épargne logement, le fameux PEL, la donne est en train de changer.

Au début des années 80, ce produit affichait un taux de 10 % fixe jusqu’à la clôture du contrat. Et même s’il y a eu une hausse de fiscalité, les anciens plans sont restés très intéressants en tant que placement depuis des années. Les nouveaux contrats rémunérés à 1 ou 1,5 % aussi gardaient leur pertinence dans une stratégie de « bon père de famille », sans risque.

Ce n’est plus le cas désormais. Cette année le PEL est passé à 2 %, mais il évolue moins vite que l’inflation et surtout reste fixe dans une période de remontée des taux. Il faut donc se poser la question de l’utilité de conserver ces PEL récents.

Pourquoi ne pas les réorienter vers d’autres investissements plus en phase avec le niveau l’inflation ? À titre d’exemple, même les obligations classiques dans lesquelles investissement les assureurs vie dépassent allégrement ce taux de rémunération.

"Obtenir un crédit immobilier est trop souvent devenu plus compliqué."